Coup de cœur pour
Le chien de Don Quichotte

ACTION-SUSPENSE
C. Le Nocher
Décembre 2015

Froid mois de décembre à Paris. Ancien policier, célibataire, Hugo est employé par la multinationale d’Esteban. Cet homme d’affaires cynique a ses entrées à l’Élysée.

Esteban était riche et puissant, il imposait ses propres règles et n’appréciait pas qu’on se mêle de ses affaires. D’ailleurs, il n’était que rarement inquiété et quand cela arrivait, Hugo arrangeait les choses au mieux.

Ultra-libéral actif et sans aucun complexe, Esteban avait besoin de conflit pour exister. Consciencieux et obéissant, Hugo élimine pour lui les gêneurs. Il estime n’être ni candide, ni obtus, mais avoir un fort sens du devoir. Il est assisté par le froid Boris, ex-mercenaire venu d’un pays de l’Est. Pourtant, la vie de Hugo change le soir où, dans un bar, il croise le singulier père Calvet.

C’est un prêtre alcoolique, qui se pose depuis toujours des questions sur la Foi. Il ne croit guère en Dieu, pas plus que dans l’être humain. Dans ce monde sans vérité, il lui restait l’humour noir et le whisky. Il donne un livre à Hugo, que celui-ci lit passionnément. C’est l’histoire d’un héros qui décide de faire le bien autour de lui. Voilà ce qu’attendait Hugo, l’occasion de montrer sa propre bienveillance envers les autres. À commencer par ce chiot, Bion, qu’il vient d’adopter et qui ne le quitte plus. Les adversaires de son patron, Hugo compte les sermonner au lieu de les tuer, désormais. Sauf que ce médecin humanitaire, qui veut dénoncer les trafics d’Esteban, n’est pas prêt à négocier. Sauf que ce trader qui a trop gagné de fric n’est pas très compréhensif, non plus.

Le plus gros problème actuel d’Esteban, ce sont les hackers du groupe Vendredi 13. Ils ont piraté de grosses sommes au profit d’œuvres caritatives, et dérobé des dossiers ultrasecrets de la société d’Esteban. Draker, Léonard, Robin, Élise, sont de jeunes surdoués de l’informatique. Le bar de Maud, c’est un peu leur QG. Elle refuse tout conformisme, cette blonde qui se teint en brune, qui fume parce que c’est interdit partout, qui vit avec le philosophe Patrick. Ces jeunes espérant que leurs actions conduisent à un monde plus juste, Maud ne peut que les apprécier. Malgré la complicité de l’informaticien Éric, au service d’Esteban, les V13 finissent par être identifiés. Boris ne comprend rien au nouvel état d’esprit d'Hugo. Esteban s’interroge à son sujet. Plein de bonne volonté, le tueur repenti pense que la situation peut s’arranger. Mais un carnage est si vite arrivé…


Vous n’aimez pas tellement les polars, alors lisez ce roman. Vous n’aimez pas tellement les romans, alors lisez ce polar. On l’aura compris, cette histoire est à la frontière des genres. Un face à face, page 152, pourrait le résumer:

Je suis celui qui détient les pistolets — Et moi, je suis celui qui détient le cerveau.

Dans notre société où la violence est autant sociale qu’à main armée, est-il encore possible de faire baisser les tensions? Envisager un autre mode de vie en se servant de son cerveau, est-ce illusoire? Une prise de conscience, est-ce le grain de sable qui suffit à changer de comportement? Hackers utopistes contre champion du libéralisme économique ravageur, le vainqueur semble connu d’avance.

Même s’il est jalonné par quelques morts, ce n’est pas un roman d’action, ni une fiction criminelle, que nous a concocté Pia Petersen. Certes, les péripéties et l’humour ne manquent pas. Pourtant, ce qui rend délicieuse cette lecture, c’est le regard de l’auteure sur notre époque, notre système et ses contradictions dans tous les camps. Hugo le tueur a toujours été un rêveur, par exemple. Les plus blasés d’entre nous sont, sans doute, devenus misanthropes (mais pas forcément alcoolos) à l’image du père Calvet.

Comment ne pas décerner un Coup de cœur à ce roman hors norme?