Création participative

LA MARSEILLAISE
Anne-Marie Mitchell
Février 2013

Un romancier à succès tombe dans le piège de la Téléréalité.
Court-circuit neuronal garanti

Originaire du Danemark, Pia Petersen, qui partage sa vie entre Paris et Marseille, ne cesse de nous surprendre par sa fertile imagination...

Petit retour digressif à Aix-en-Provence, lors des journées littéraires organisées par Paule Constant: un jeune auteur, dont Grasset venait de publier le premier roman, vint à notre rencontre pour auto-promouvoir ses candidats filmés, jour et nuit, devant leur page blanche. En entendant qu'il était question d'une "Star Ac à la Villa Médicis", notre sang s'est quelque peu glacé et nous rejoignîmes la salle pour écouter les conférenciers. Pourquoi alors notre sang a-t-il continué de couler paisiblement dans nos veines, deux ans plus tard, à la lecture de la quatrième de couverture du nouveau roman de Pia Petersen, dans lequel Gary Montaigu, lauréat du plus prestigieux prix littéraire américain, se prête au jeu d'un reality show - ce nouveau mal qui répand la terreur? Mal que la société en sa fureur inventa pour endormir les cerveaux des vapeurs narcotiques de l'opium participatif...

La téléréalité (puisqu'il faut l'appeler par son nom), capable de faire exploser l'audimat et d'enrichir les flots aurifères de la médiocrité... Deux raisons pour cela. Le titre: Un écrivain, un vrai, irresistible attrait pour les "vrais" lecteurs. Enfin, notre confiance absolue dans le talent de la romancière.

Nombreux sont les angles que nous aurions pu choisir pour rendre compte de cette satire contre les moeurs littéraires et télévisuelles de notre société, et contre les déesses mortelles qui tirent orgueil du succès de leur conjoint, convaincues qu'elles sont d'avoir présidé à la genèse de ses feintes narrations.

Dans son article "Les muses dévorantes", paru dans Le Monde du 11 janvier, Stéphanie Dupays accorde d'ailleurs une place de choix au roman de Petersen et à Ruth, "l'autoproclamée" égérie de notre Montaigu - chaud Roméo (le Véronais, ne l'oublions pas, n'a pas eu que Juliette dans sa vie) des temps modernes qui se passerait bien de la présence de son encombrante épouse.

Notre angle personnel nous fut imposé tout naturellement par le titre et par la dénonciation d'une pitoyable gentry intellectuelle qui donne droit aux téléspectateurs d'enfreindre l'intimité d'un romancier et de lui imposer leur "J'aime/J'aime pas".

Autant dire que notre lauréat de l'International Book Prize, cloîtré dans sa maison envahie par les cameramen, va péter les plombs et regretter l'heureux temps où il pouvait goûter aux joies de la solitude et de la liberté: Ce n'était pas son roman, c'était le roman des autres. Le roman ne lui parlait plus. [...] Il écrivait ce qu'on attendait de lui, mécaniquement.

Mais ménageons le suspense, digne des meilleurs hantises de Stephen King, et laissons aux lecteurs le soin de découvrir l'horreur d'une chaise roulante et l'apparition récurrente d'un homme grisonnant!

Pia Petersen... Une écrivaine, une vraie... une véritablement vraie.