Une idée neuve: et si une femme était avant tout un être humain?

L'ÉCHO DES LIVRES
Pauline Gentioux
Novembre 2013

Un refus des conformismes et des pensées toutes faites

Ceci se passe en France et pas au Moyen-Orient, bien sûr.

Une femme écrit à un homme. Elle s'est enfuie lors de la cérémonie de mariage. Pourtant elle l'aime, mais désormais, lui ne veut plus la voir ni l'entendre. Ce n'est pas le début d'un roman-feuilleton mais la scène inaugurale d'
Instinct primaire.

Pia Petersen écrit à la 1re personne - mais ce "je" est universel - sur la condition des femmes et sur ce qu'une femme libre, écrivain, courageuse, peut en penser. Elle est une "affranchie" de la collection "Affranchis" qu'à créée Claire Debru, influencée par la "Lettre au père" de Kafka, née elle aussi d'une situation bloquée. "Quand tout a été dit et qu'il n'est plus possible de tourner la page, écrire à un autre est la seule issue".

Pia Petersen se lance donc dans cette aventure contre le politiquement-correct féminin.
Mais qu'est-ce que cet "instinct primaire"? C'est celui qui, paraît-il, précipite les femmes, sauf les "ratées", dans le mariage et la maternité. Or, Pia Petersen veut vivre l'amour et le vit avec fièvre, mais ne veut ni de l'institution du mariage, ni de la maternité.

Je leur dis que j'étais une femme, soit, mais que je me définissais en tant qu'être humain et non pas en femme reproductrice et qu'il était grand temps que la femme arrive au stade de l'être humain au lieu d'être toujours coincée dans ses instincts primaires. J'ajoutai que je comprenais pourquoi le féminisme avait tant reculé.

Malheur! A qui s'adresse-t-elle? Pas seulement à l'ami homme mais à ses amies femmes, toutes épouses et mères, qui la considèrent soit avec pitié soit avec agressivité. Sa liberté est une offense pour elles, qui constatent qu'elles auraient pu faire autre chose de leur vie, pas toujours enthousiasmante; et cela, c'est intolérable! Car la jeune "héroïne" est heureuse, même si elle souffre de son amour déçu; elle est fière d'elle et sûre d'avoir raison.

Le mariage est un contrat dans lequel il est stipulé qu'il ne faut pas tomber amoureux de quelqu'un d'autre: or, l'amour dure rarement toute une vie. Pourquoi enchaîner quelqu'un par peur de la solitude? Quant aux enfants, pourquoi leur donner naissance sur une planète surpeuplée, où pullulent des milliers d'enfants abandonnés et maltraités?

Dure leçon aux femmes, trop souvent aliénées en effet par cette idée qu'elles ratent leur épanouissement sans mariage et sans enfant.

Moi, je crois qu'une femme devrait penser plus avec son cerveau qu'avec son utérus.

Elle reconnaît cependant qu'il n'est pas
si évident d'être affranchi des normes. Ce n'est pas si simple de créer sa propre ligne de vie. Elle, elle a la chance d'être un écrivain reconnu.

Je suis un être humain, puis une femme, et j'ai choisi de me créer et de créer ma vie. Je me définis comme un écrivain.

Choisir d'être mère, ce serait aussi choisir d'abandonner sa vie et son œuvre (même choix que Linda Lé). Or, pour Pia Petersen,
l'être humain se distingue de l'animal par sa capacité à créer de l'artificiel, dont les oeuvres d'art et alors pas question de littérature dite "féminine", c'est évident! Je ne veux pas perdre ma capacité à l'universel pour me retrouver enfermée dans un esprit de proximité.

Certes, toutes les femmes ne sont pas des créatrices et tous les hommes non plus! Cependant ce livre s'adresse à tous car il est un appel à la dignité, au courage, à la lucidité sur soi, un refus des conformismes et des pensées toutes faites.

"Avez-vous su méditer et manier votre vie ? Vous avez fait la plus grande besogne de toutes" dirait Montaigne par delà les siècles à Pia Petersen.