Un texte absolument bouleversant et nécessaire

LES CHRONIQUES CULTURELLES
Octobre 2013

Depuis mon enfance, on m’a raconté qu’une femme doit désirer se marier, elle doit vouloir des enfants et si ce n’est pas le cas, elle n’est pas normale, une vraie femme cherche l’homme avec qui construire le nid, un homme prêt à s’engager jusqu’au bout, ce bout étant la construction de la famille et accessoirement, elle peut viser une carrière mais toujours accessoirement, l’enfantement étant le but final. Bref. Je n’y croyais plus et mon histoire avec toi avait renforcé ce sentiment.

J’ai découvert Pia Petersen il y a peu, avec le magnifique
Un Écrivain, un vrai, et c’est avec beaucoup d’enthousiasme que je me suis plongée dans la lecture de ce récit (à dire vrai: j’ai ouvert l’enveloppe qui le contenait, je me suis allongée sur mon lit et je l’ai lu d’une traite — j’ai failli en oublier d’aller bosser, heureusement que c’était court) publié dans la collection les affranchis de Nil, qui demande aux auteurs d’écrire la lettre qu’ils n’ont jamais écrite.

La narratrice écrit à l’homme qu’elle aime mais qu’elle n’a pas épousé. L’homme qu’elle a abandonné devant l’autel, un an plus tôt. Elle lui écrit pour maintenir le dialogue, pour lui dire ce qu’elle n’a jamais pu, puisqu’il a coupé les ponts. Pour qu’il puisse comprendre.

Merci Pia Petersen pour ce texte absolument bouleversant et nécessaire, qui a résonné au plus profond de moi et mis des mots sur ce que j’ai tant de mal parfois à expliquer.

Le récit mêle souvenirs d’une histoire d’amour et présent, et surtout il mêle narration et discours. Ce n’est pas seulement un chant d’amour envers un homme (car elle l’aime, résolument): c’est une réflexion profonde sur l’amour, le mariage, et surtout la maternité. La question est: est-ce que toutes les femmes ont le désir de se marier et d’avoir des enfants? Evidemment la réponse est non, et pourtant force est de constater que celle qui, pourtant profondément amoureuse, ne veut pas cela, est heureuse sans être attachée à un homme et à des enfants, est regardée comme monstrueuse, dégénérée, ou tout simplement aveugle. Et ce texte, c’est le cri d’une femme qui assume de ne pas vouloir ce qu’on croit que toutes les femmes veulent, à commencer par les femmes elles-mêmes.

C’est aussi une réflexion sur l’écriture, sur l’écrivain et son besoin de liberté. C’est, enfin, un texte absolument indispensable et à mettre entre toutes les mains!