La dénonciation
d’une société sécuritaire
au centre de ce cinquième roman très réussi.

LES INROCKUPTIBLES
Raphaëlle Leyris
Mars 2009

Doucement mais sûrement, Pia Petersen s’impose au fil des romans comme une voix à part, parmi les plus intéressantes de la littérature francophone contemporaine. La phrase précise et ouatée, dépouillée à l’os, de cette Danoise qui a choisi d’écrire en français pourrait expliquer à elle seule l’intérêt qu’on lui porte.

Mais il y a surtout sa volonté rare et précieuse de se colleter au monde qui l’entoure, à des sujets de société, qu’il s’agisse des SDF dans Parfois il discutait avec Dieu, des sectes dans Passer le pont, ou pour Iouri, son cinquième roman, de la renonciation progressive de chacun à ses libertés individuelles au nom de la sécurité collective. Du flicage généralisé au nom du bien commun.

C’est contre cela que s’érige Iouri, artiste plasticien ombrageux. Pour dénoncer ce système, il va s’engager dans une démarche ultra radicale. Au moment où il commence à parler de son obsession à sa compagne, la narratrice, des meurtres apparemment gratuits sont commis dans Paris. Iouri se renferme de plus en plus, interdit à son amie l’entrée de son atelier. Elle se met à le soupçonner.

Philosophe de formation, Pia Petersen ne tombe pas dans la dissertation, le roman à thèse naïf et pataud. Sur ces questions du flicage et du rôle de l’artiste dans la société, elle n’en fait pas des tonnes, et rend son propos d’autant plus convaincant qu’elle s’en sert comme d’un point de départ pour aller vers autre chose, vers ce qu’elle fait le mieux: une plongée dans le cerveau d’un être sous emprise – sous celle de Iouri, pour la narratrice, sous la certitude qu’il a une mission à accomplir pour Iouri.

On a beau connaître l’épilogue depuis le début ou presque, Iouri a quelque chose d’un thriller parfaitement mené dans la restitution de la montée de la terreur chez la narratrice. Il est, avant tout, un roman puissant sur le sacrifice de soi.