Une Danoise à Marseille

MARSEILLE L'HEBDO
Patrick Coulomb
Avril 2012

Avec son 8e roman, Le chien de Don Quichotte,
Pia Petersen fait une nouvelle incursion dans la "noire"
après
Iouri, Prix marseillais du polar en 2009

C'est sous la houlette de Patrick Raynal, ex-directeur de la Série Noire Gallimard, que Pia Petersen publie ce mois-ci dans la collection Vendredi 13 Le chien de Don Quichotte, un roman noir qui met en scène un "patron voyou" et son homme de main sur fond de multinationale piratée par des hackers...
L'occasion de rencontrer un auteur made in Marseille au profil atypique.

Danoise, Pia Petersen quitte le domicile familial à l'âge de 16 ans pour aller vivre en Grèce. De retour au Danemark un an plus tard, elle en repartira rapidement, pour s'installer d'abord à Paris, où elle fait divers petits boulots avant de se lancer dans des études de philo, qu'elle conclut à Aix-en-Provence.

Depuis plus de vingt ans elle est installée à Marseille, avec de fréquents allers-retours parisiens. Les assidus des librairies se souviendront du Roi Lire, qu'elle avait créé rue Thiers dans les années 90.

Mine de rien, Pia n'a cessé de se rapprocher de son but et depuis 2000, elle est devenue écrivain à plein-temps.

J'ai dit à 7 ans à mes parents que j'allais être un grand écrivain et que j'allais libérer le verbe. J'ai toujours tout fait en vue de mes bouquins. Mais pour ça, il me fallait connaître le monde, toutes les expériences que j'ai vécues cela a été pour les livres. J'ai toujours été dans des trucs très bizarres, des bandes, des sectes, j'ai fait la manche..., et ça m'a beaucoup ouvert sur le monde.

Le Danemark, un pays trop normé

Marseillaise mais toujours Danoise, Pia Petersen entretient avec son pays d'origine une relation plutôt houleuse, je cherche la logique qui m'a poussée à quitter le Danemark. C'est important de mettre le doigt dessus dans une société qui est en train de suivre le modèle nordique.
Le Danemark, poursuit-elle, c'est le pays qui a inventé le principe de précaution, avec le principe de précaution tu n'es plus libre ni responsable de toi-même, ça te met dans un état quasi-permanent de victime. Le principe de précaution, c'est le grand totalitarisme de notre époque, parce que c'est pour notre bien. En fait, je me suis révoltée contre le bonheur et je suis un peu une exilée spirituelle.

Comme Jacques Dutronc dans le film d'Alain Jessua Paradis pour tous en 1982, Pia Petersen refuse ce bonheur obligatoire, et c'est en France qu'elle va chercher l'esprit de liberté, je regardais la France et ses manifestations, le village d'Astérix permanent, pour moi c'est le pays de la Révolution, de la contestation, je voulais ça. Mais ça, en France, je ne le ressens plus...

Et en particulier en ce qui concerne la littérature. J'aime le son de la langue française, son accent, mais aujourd'hui pour avoir une vraie liberté de penser, j'ai besoin de prendre de la distance, les Français sont devenus de plus en plus emmerdants sur ta façon d'écrire. Par exemple, il ne faut jamais de répétition! Pour amener les gens à réfléchir j'essaie de maintenir un vocabulaire courant et épuré, la plupart des gens qui emploient des mots et encore des mots le font parce qu'ils n'ont rien à dire, je pense plutôt que ce sont les expériences qui forgent le regard sur le monde et que l'écriture c'est aussi une part de risque".
"J'ai toujours eu l'impression d'être un imposteur, poursuit-elle. Donc au début j'étais très sérieuse, je rentrais dans le rôle de l'écrivain, et puis je me suis aperçue que ce n'était pas possible, j'écris en fait où je peux. Je vis dans un roman en permanence. Pour moi, les mots c'est très physique, il faut les ressentir.

Si Pia n'a encore aucun roman traduit en danois, elle s'est beaucoup amusée à l'idée d'aller représenter la francophonie la semaine dernière à Copenhague, capitale du Danemark. Elle avoue cependant attendre avec une certaine impatience une traduction, mais je ne la ferai pas moi-même, j'en serais incapable car mon danois n'a pas évolué depuis que j'avais l'âge de 16 ans.

Pia et Dieu

Le chien de Don Quichotte est une enquête sur la vérité, c'est un roman noir. Il commence par une référence à un Dieu bien absent. Je suis de formation philosophique, tu évacues Dieu parce que tu penses par toi-même. Je n'ai donc pas de respect particulier pour Dieu. Mais Dieu est le mythe fondateur de la société et ce sont les écrivains qui écrivent les mythes fondateurs.
Dont acte.

Le chien de Don Quichotte - Éditions La Branche - 220 pages - 15 euros