Ecrire la biographie de Dieu, c’est le rêve de tout écrivain

MYBOOX
Lauren Malka
Mars 2014

C'est au Salon du livre de Paris 2014 que la romancière Pia Petersen a répondu à nos questions au sujet de son tout nouveau livre Mon nom est Dieu

Elle est d’origine danoise mais a choisi d’écrire en français. Elle est agnostique mais s’est portée volontaire pour relever un défi décliné par tant d’autres: écrire la biographie de Dieu dans son dernier roman: Mon Nom est Dieu (Plon).

Pia Petersen a éclairci ces mystères en conversant avec MyBOOX entre deux dédicaces au Salon du livre de Paris.

MyBOOX
: Ecrire la biographie de Dieu: comment vous est venue cette idée?

Pia Petersen: J’avais envie de créer un personnage récurrent. Mais encore fallait-il trouver un personnage qui ne soit pas ennuyeux, qui m’intéresse suffisamment pour que je puisse alimenter son histoire pendant un certain temps. J’avais aussi envie, depuis un moment, d’écrire une biographie. Je me suis dit mais quel homme célèbre n’a pas déjà eu une tonne de biographies? Il fallait à nouveau trouver une personne qui puisse m’intéresser pendant longtemps.

Et puis d’un coup j’ai réalisé que Dieu n’avait pas de biographie. Jamais on n’a écrit la biographie de Dieu et on ne s’est même pas posé la question de savoir s’il fallait le faire.

L’Ange Gabriel, Satan, Jésus, Marie sont souvent évoqués par les écrivains mais sur Dieu il n’y a que très peu de choses. Comme personnage récurent, j’ai trouvé que Dieu était parfait!

Quelles recherches avez-vous faites pour écrire ce livre?

J’ai une formation philosophique donc la question de Dieu m’intéresse depuis longtemps. J’ai lu
la Bible plusieurs fois, les vieux textes grecs, le Coran. Et puis il y a des livres que j’ai découverts en écrivant le roman comme Le Dernier testament de Ben Zion Avrohom de James Frey et d’autres.

Certains lecteurs ont-ils été choqués par votre liberté vis-à-vis de Dieu et de la
Bible?

Certains de mes lecteurs avaient été furieux en lisant
Instinct primaire mais ils ont ensuite réfléchi et ils ont vu les choses différemment. Pour ce livre là c’est encore un peu tôt. Mais je commence à faire des conférences la semaine prochaine, notamment dans un lycée un peu difficile de Marseille. Ca risque d’être cocasse!

Quel est votre rapport personnel à Dieu?

Je suis complètement agnostique, je ne peux pas dire si Dieu existe ou non car je n’en sais rien et je pense que personne n’en sait rien. On ne peut avoir de certitude à ce sujet. De mon côté, je ne ferme aucune possibilité mais je considère Dieu comme une invention littéraire qui a particulièrement bien marché. Ce sont des écrivains qui ont rédigé la
Bible, il ne faut pas l'oublier. Pourquoi ce texte a réussi à s'imposer plus qu'un autre?

Quoi qu'il en soit, je n’aurais pas pu écrire ce livre si j’avais été croyante. Il me fallait une liberté absolue, une insolence, une impertinence pour écrire cela. Si j’avais été pénétrée de la peur de l’idée de Dieu, je n’aurais pas pu l’écrire. Et encore, même en n’étant pas croyante, j’ai dû me livrer une bagarre intérieure quotidienne pour me réapproprier ma liberté vis-à-vis de Dieu.

Alors même que vous êtes agnostique?

Oui, c’est cela qui est intéressant. La
Bible n’est qu’un texte parmi d’autres mais il a pris une telle ampleur que cela a fini par ressembler à une réalité. C’est avant tout une invention littéraire mais qui a su s’imposer de manière tellement sacrée que c'est presque devenu une réalité objective. C’est une idée! Ce n’est rien d’autre qu’une idée. J’ai dû me le répéter plusieurs fois et reprendre ma liberté sans arrêt par rapport à cela en me rappelant que je n’avais pas de compte à rendre à cette religion là.

Pourrait-on dire que cette prise de liberté par rapport à ce qui nous gouverne est un principe dans tout votre travail littéraire?

Oui j’essaye de toucher à toutes ces choses que l’on pense intouchables. J’essaye de ne pas rester sur une surface mais d’aller à la racine pour les déplanter. J’avais la même démarche à propos de l’économie dans Une
Livre de chair (Actes Sud). J’essayais de rappeler que nous avions nous même créé cette économie qui nous gouverne, elle n’est donc qu’une idée, elle n’est pas imprenable. J’ai aussi réfléchi en ce sens sur la politique et maintenant c’est Dieu.

Si vous vous attaquez à tous les "incréés" de la société, votre prochaine victime chapitre sera peut-être Google?

Pourquoi pas! Pour l’instant, je me concentre sur le prochain tome sur Dieu. Je ne sais pas encore s’il y en aura deux ou trois. En tous cas, je ne peux pour l’instant rien en dire car je ne veux pas qu’on me vole l’idée. Tous les écrivains ont rêvé d’écrire la biographie de Dieu!