Un texte courageux et nécessaire

PARIS-CI LA CULTURE N°18
Stéphanie Joly
Octobre 2013

Son personnage le dit pour elle L’autofiction a quasiment balayé toute autre approche de la littérature et a en même temps changé notre rapport au réel. Aussi, écrire une lettre à la première personne du singulier relève pour Pia Petersen d’un défi par la contrainte: il s’agit pour l’auteur de faire ce qu’elle ne fait jamais, tout en parvenant à se retrancher derrière le mur fictionnel qu’elle affectionne tant.

Nous n’irons donc pas demander à Pia Petersen si ce qu’elle a écrit sous cette forme épistolaire imposée appartient au monde réel. Nous préférons nous attarder sur les sujets qu’elle aborde, et que tant d’autres n’abordent et n’aborderont jamais avec tant de clarté et de courage.

L’expéditeur de cette lettre est une femme qui a un jour commis aux yeux de la société une faute irréparable envers l’homme qu’elle aimait. Bannie par celui-ci de tout espace de dialogue, elle prend donc la plume pour lui écrire tout ce qu’elle ne peut plus lui dire.

L’auteur aborde dans ce texte la place des femmes dans la société d’aujourd’hui. Après s’être battues pour un certain féminisme, le droit au travail et l’indépendance, des femmes d’aujourd’hui opèrent un recul sans mesure, nous dit-elle. Seules celles qui sont repoussées en marge peuvent faire, et surtout avouer ce triste constat: ne pas se marier, ne pas enfanter, désirer un homme marié, ne pas envisager sa vie comme d’autres envisagent la leur serait un délit d’être, de l’égoïsme, ou même de la folie.

On croyait commencer la lecture d’une lettre d’amour, on comprend peu à peu que l’on s’est engagé dans une déclaration d’indépendance et d’insoumission totale au monde tel qu’il veut nous conduire et paradoxalement, on découvre que l’amour véritable réside bien sûr dans cette capacité à laisser libre et à partager ce qui ne nous appartiendra jamais pourvu que l’on ne soit pas dans cette logique implacable de la possession qui domine la société.

Pia Petersen prend une fois encore le contre-pied de la tendance actuelle pour en décrypter les fondements. Son personnage peut paraître tour à tour fou à lier ou tout bonnement admirable dans sa capacité à dénoncer ardemment la perversité d’un système reposant sur une norme d’après-guerre, désuète, et tout simplement destructrice aujourd’hui. Ceci n’est qu’une question de point de vue, et chacun ne pourra s’empêcher de choisir son camp, selon les normes qu’il a choisi de suivre.

Un texte courageux et une fois encore, nécessaire.